Mouette rieuse
Mouette rieuse, Larus ridibundus (Linné, 1766)
Classification (Ordre, Famille) : Lariiformes, Laridés
Description de l'espèce
Petit Laridé d'allure blanche à distance avec le dos et les ailes gris clair, un bec fin rouge brunâtre, des pattes rouge sombre et un capuchon brun chocolat en plumage nuptial (janvier-juillet). Le restant de l'année la tête est blanche avec une petite tache noire en arrière de l’oeil. Les jeunes présentent des ailes aux plumes brunes et une queue blanche barrée de brun noir à l'extrémité jusqu'à la mue postjuvénile qui s'effectue au cours du deuxième été (juin-août). Les adultes font une mue complète entre juillet et septembre et une mue partielle des plumes de la tête entre fin décembre et mars. La Mouette rieuse grâce à ses ailes étroites présente un vol souple. Ses pattes aux extrémités palmées lui permettent aussi bien de marcher que de nager. Longueur totale du corps : 33 à 39 cm. Poids : 250 à 310 g.
Difficultés d'identification (similitudes)
La Mouette mélanocéphale Larus melanocephalus est un peu plus grande et possède un manteau très blanc ainsi qu'une tête entièrement noire jusqu'au cou en plumage nuptial (mais blanche le restant de l'année entre juillet/août et mars). Le Goéland railleur Larus genei a le cou plus long, le bec particulièrement fin.
Répartition géographique
L'aire de reproduction de la Mouette rieuse est très vaste et occupe une grande partie du Paléarctique, de l'Europe de l'Ouest à la Sibérie orientale. En saison inter-nuptiale, la répartition est encore plus vaste puisque l'espèce, migratrice partielle, hiverne non seulement dans la partie moyenne et méridionale de l'aire de nidification mais aussi au-delà vers le sud jusqu'à l'Afrique et l'Asie tropicale. En France, à la suite d'une enquête nationale réalisée en 1998 et 1999, sa répartition a été réactualisée [8 ; 9]. La population nicheuse est surtout concentrée dans la moitié nord de la France (région Centre, Rhône-Alpes, Alsace, Nord-Pas-de-Calais, Ile-de-France et Picardie). En saison inter-nuptiale, les effectifs se concentrent tout particulièrement dans les régions côtières de l'ouest et du sud de notre pays [1].
Biologie Ecologie
En période de nidification, l'espèce exploite une grande diversité de zones humides douces et saumâtres (étangs, lacs, fleuves, rivières) où elle niche, et se nourrit en partie sur des zones terrestres (prairies, cultures et labours, rizières et même les décharges d'ordures ménagères).
Comportements
Généralement grégaire, l'espèce s'alimente essentiellement de jour en troupes d'importance variable (quelques individus à plusieurs centaines) qui nomadisent dans un rayon d'action de plusieurs kilomètres autour d'un dortoir nocturne situé sur l'eau où l'ensemble des individus se regroupe à l'abri d'éventuels prédateurs. Les colonies de Mouettes rieuses attirent souvent d'autres espèces (limicoles, Mouette mélanocéphale, sternes, guifettes...) qui ne bénéficient pas systématiquement de la proximité des mouettes qui peuvent s'avérer prédatrices ou concurrentes pour l'espace. Dans le cas du Grèbe à cou noir Podiceps nigricollis, il est très probable qu’en France la majeure partie des nicheurs profite de l'abri contre les prédateurs que peut fournir une colonie de Mouettes rieuses, espèce particulièrement agressive. Profitant de la même protection, plusieurs espèces d'Anatidés s'installent aussi avec les mouettes. Une fois la reproduction terminée, les colonies sont rapidement abandonnées, les oiseaux se dispersant vers des lieux de mue où ils séjournent environ deux mois. A partir du mois de septembre et en octobre, une migration peut être entreprise qui pousse une proportion des oiseaux vers les régions atlantiques ou méditerranéennes. Des nicheurs français et leurs jeunes peuvent se diriger au loin vers le sud jusque sur les côtes d'Afrique du Nord et de l'Ouest.
Reproduction et dynamique de population
En période de reproduction, l'espèce est très grégaire et niche en colonies regroupant chacune quelques dizaines de couples à plusieurs centaines dans la végétation palustre de zones humides ou parmi la végétation herbacée sur des îlots et des digues. Les sites de nidification sont choisis pour leur sécurité par rapport aux prédateurs terrestres (les Cahiers d’Habitat « Oiseaux » - MEEDDAT- MNHN – Fiche projet prédateurs aériens sont violemment attaqués). Les nids sont un amoncellement de végétaux (tiges de roseaux, herbes sèches...) qui peut atteindre jusqu'à 30 cm de haut, d'autres flottent à peine amarrés aux tiges des plantes palustres. Sur une base solide, une coupe très évasée de 15 à 20 cm de diamètre recevra les oeufs. Les sites des colonies, utilisés d'une année à l'autre ou abandonnés puis réutilisés une autre année, sont investis en début de saison de reproduction selon un schéma successif de création, de développement et de déclin déterminé par l'interaction subtile de facteurs liés à la fois à la qualité du site (degré de sécurité souvent conditionné par les niveaux d'eau et leur stabilité) et à la dynamique propre de l'espèce (structure d'âge des nicheurs, densité des nicheurs, succès de reproduction) [3 ; 6]. Les colonies sont réinvesties entre fin février et fin mars. Les pontes de deux-trois oeufs sont déposées en avril et incubées durant 22-23 jours. La période d'élevage des jeunes (26-28 jours) s'étend de mai à mi-juillet. Leur nombre à l'envol varie de 1,3 à 1,7 par couple. En Méditerranée, la compétition avec le Goéland leucophée Larus michahellis pour les sites favorables, rend difficile l’installation et le succès de reproduction des colonies [N. SADOUL, comm. pers.]. La longévité maximale observée grâce aux données de baguage est de 30 ans.
Régime alimentaire
Il est de type omnivore. Les petites proies animales semblent cependant avoir la préférence (vers de terre surtout mais aussi insectes, crustacés, petits poissons). La Mouette rieuse est aussi capable d'exploiter des ressources alimentaires éphémères (émergence d'insectes en zones humides) sans craindre la proximité humaine (mise à jour d'invertébrés lors d'un labour, pêches d'étangs...). L'espèce recherche même assidûment les sources de nourriture d'origine anthropique (décharges d'ordures ménagères, sortie d'égouts, places de nourrissage). La prédation exercée par l'espèce n'a qu'un impact très faible sur la productivité des étangs piscicoles (de l'ordre de 0,5% en Forez).
Habitats de l'Annexe I de la Directive Habitats susceptibles d'être concernés
1130 - Estuaires (Cor. 11.2 et 13.2)
1140 - Replats boueux ou sableux exondés à marée basse (Cor. 14)
1150 - Lagunes côtières (Cor. 21)
1160 - Grandes criques et baies peu profondes (Cor. 12)
3110 - Eaux oligotrophes très peu minéralisées des plaines sablonneuses (Littorelletalia uniflorae) (Cor. 22.11 x 22.31)
3270 - Rivières à berges vaseuses avec végétation de Chenopodium rubri p.p. et du Bidention p.p. (Cor. 24.52)
Statut juridique de l’espèce
Espèce protégée en France et en Europe (article 1 et 5 de l'arrêté modifié du 17/04/81), inscrite à l'Annexe II/2 de la Directive Oiseaux et à l'Annexe III de la Convention de Berne mais l'administration (Préfectures départementales à partir des instructions du Ministre en charge de la protection de la nature) peut autoriser sa destruction en cas de dommages aux activités piscicoles et d’enjeu de sécurité civile (aéroports…). Espèce listée en catégorie C1 de l’AEWA (populations ouest Europe/ouest Méditerranée et ouest Afrique).
Présence de l’espèce dans les espaces protégés
Les statuts de protection des espaces occupés par la Mouette rieuse en nidification varient de la réserve naturelle (5,7% des effectifs) à la réserve de chasse (0,6%) en passant par les arrêtés de protection de biotope [8]. La plus grande colonie française, celle de l'île de Sandillon dans le Loiret sur la Loire, bénéficie de ce dernier statut.
Etat des populations et tendances d'évolution des effectifs
A partir de 1950, l'espèce a montré une explosion démographique sans précédent en Europe et son statut de conservation est jugé favorable. Fortement menacée au début du XXe siècle car malmenée par l'homme, elle est devenue une espèce très abondante avec des effectifs nicheurs actuellement estimée entre 1 500 000 et 2 200 000 couples (BIRDLIFE INTERNATIONNAL, 2004). Cette explosion s'est accompagnée d'une expansion de l'aire de nidification simultanément vers le nord et le sud du continent doublée d'une redistribution localement importante à l'intérieur même de l'aire traditionnelle de nidification : extension, d'une part, vers les zones littorales et maritimes de certains pays et, d'autre part, vers les zones humides continentales entièrement créées et contrôlées par l'homme (étangs de pisciculture, lacs de barrage, bassins de décantation, gravières, digues, réserves...) [4]. Cette explosion démographique résulte d'un fort taux de survie des adultes de l'ordre de 82 à 86% atteint grâce à l'exploitation intensive, en hiver spécialement, de ressources alimentaires d'origine anthropique [5]. Mais dès l'apogée de la population atteinte en 1980 (2 millions de couples), une baisse sensible des effectifs s'amorce un peu partout en Europe [8]. (Cahiers d’Habitat « Oiseaux » - MEEDDAT- MNHN – Fiche projet). Parallèlement en France [8], un essor analogue a lieu. Pendant le premier tiers du XXe siècle, la nidification était limitée à trois grandes régions d'étangs (Sologne, Brenne et Dombes) ainsi qu'à la Camargue. La population française qui était estimée à 14 000-15 000 couples vers 1965 a atteint 38 000-40 000 couples lors d’une enquête nationale réalisée en 1998 et 1999. Quelques 178 colonies de reproduction ont été répertoriées (48% comptent moins de 50 couples, 43% de 50 à 500 couples, 9% plus de 500 couples). La population nicheuse est surtout concentrée dans la moitié nord de la France avec des effectifs totalisant 10 000-11 000 couples dans la région Centre, 8 750 couples en Rhône-Alpes, 4 300 couples en Alsace, 3 600 couples dans le Nord-Pas-de-Calais, 2 300 couples en Ile-de-France et 2 100 couples en Picardie. En Camargue (Gard et Bouches-du-Rhône), on comptait 2 000 à 3 000 couples en 1998. A la fin du XXe siècle, les effectifs se sont stabilisés voire ont amorcé une diminution sensible dans beaucoup de régions (particulièrement en Camargue, [7]). Pendant l'hiver 1996/1997, près de 1 200 000 individus ont été comptés en France [1] et la population était estimée à près d’un million d’individus durant l’hiver 2004-2005, avec dans plusieurs régions une diminution atteignant 20% entre les deux recensements [2].
Menaces potentielles
La réduction récente des effectifs n'a pas été la même partout, elle est parfois masquée par les redistributions. En Europe, le développement de la prédation et les dérangements ainsi que la chute du succès de reproduction liée à la dégradation des ressources alimentaires (plus ou moins liée à l'évolution de l'intensification des activités agricoles) sont actuellement les raisons les plus fréquemment invoquées [8]. La protection juridique n'est pas garante de la pérennité des colonies qui font parfois l'objet de destructions administratives ou illégales à cause de la prédation que l'espèce est supposée exercer sur le stock halieutique des étangs piscicoles. En milieu naturel, le développement de la végétation peut entraîner la fermeture progressive du paysage, au point de rendre un site impropre à l'installation d'une colonie. C'est particulièrement le cas sur des îlots de la Loire. Le débroussaillage chimique peut également entraîner la désertion d'une colonie comme cela a été le cas dans le Maine-et-Loire par exemple. On ne peut pas prévoir pour l'instant quelles seront les répercussions pour l'espèce de la fermeture progressive des décharges à ciel ouvert.
Propositions de gestion
Un exemple de gestion favorable concerne le site artificiel du musoir de Gambsheim (Bas-Rhin) qui héberge 11% de l'effectif national : le propriétaire a décidé de réaliser l'entretien de la végétation en dehors de la saison de reproduction à la suite d'une concertation avec les ornithologues locaux. En Camargue, il faudrait renouveler la disponibilité des îlots de nidification qui au bout d'un certain temps sont préemptés par le Goéland leucophée.
Sur le site ornithologique des cinq tailles, la gestion consiste, comme à Gambsheim, en une fauche annuelle des ilots après la saison de reproduction. Soit entre le 15 août et le 15 septembre. Il semble que la mouette rieuse préfère s'installer sur un espace dégagé pour nicher, si la végétation pousse ensuite ça ne paraît pas être un problème.
Etudes et recherches à développer
Les effectifs nicheurs dans les principales zones de nidification devraient être recensés à intervalles réguliers pour surveiller l'évolution de la population nationale et sa distribution.
Sur le site ornithologique des cinq tailles, l'espèce est liée à la population de grèbe à cou noir (GCN) qui aime nicher à proximité de la colonie de Mouettes rieuses. Depuis quelques années, la population reproductrice de GCN ne choisi plus systèmatiquement de s'installer en périphérie directe de la colonie de mouettes. La colonie de mouette étant en croissance constante elle occupe désormais une plus vaste surface sur le site, et plus uniquement les ilots. Le sentiment de protection que procure la colonie de mouette pour le GCN n'est peut être plus uniquement cantonné aux ilots.
Tous les ans, le suivi de la population de GCN et de mouette rieuses fait l'objet d'un stage de fin d'étude pour BTS GPN, licence ou Master.
Bibliographie
1. CREAU, Y. & DUBOIS, P.J. (1997).- Recensement des laridés hivernant en France. Hiver 1996/97. Ornithos 4(4): 174-183.
2. DUBOIS, P.J. & JIGUET, F. (2006).- Résultats du 3ème recensement des Laridés hivernants en France (hiver 2004-2005). Ornithos 13(3): 146-157.
3. GROSBOIS, V., REBOULET, A.M., PREVOT-JULLIARD, A.C., BOTTIN, L. & LEBRETON, J.D. (2003).- Dispersion et recrutement chez la Mouette rieuse Larus ridibundus. Alauda 71: 139-144.
4. ISENMANN, P. (1976-1977).- L'essor démographique et spatial de la Mouette rieuse (Larus ridibundus) en Europe. L’Oiseau et la Revue Française d’Ornithologie 46 et 47: 337-366 et 25-40.
5. ISENMANN, P., LEBRETON, J.D. & BRANDL, R. (1991).- The Black-headed Gull in Europe. 20th International Ornithological Congress, Christchurch/New Zealand 1990. 2384-2389 p.
6. PREVOT-JULLIARD, A.C., PRADEL, R., LEBRETON, J.D. & CEZILLY, F. (1998).- Evidence for birth-site tenacity in breeding Common Black-headed Gull, Larus ridibundus. Canadian Journal of Zoology 76: 2295-2298. Cahiers d’Habitat « Oiseaux » - MEEDDAT- MNHN – Fiche projet
7. SADOUL, N. (2004).- Evolution du peuplement de laro-limicoles en Camargue, depuis 1956. In ISENMANN, P. - Les oiseaux de Camargue et leurs habitats. Une histoire de cinquante ans 1954-2004. Editions Buchet-Chastel, Paris. 207-232 p.
8. YESOU, P. & ISENMANN, P. (2001).- La nidification de la Mouette rieuse Larus ridibundus en France. Ornithos 8: 136-149.
9. YESOU, P. & ISENMANN, P. (2002).- Données complémentaires sur la nidification de la Mouette rieuse Larus ridibundus en France. Ornithos 9: 58-59.